II. Les secousses

Julius au coeur des ondes sismiques

Une onde de choc me parcourt tandis que la terre tremble sous mes pieds, ébranlant les fondations de ma villa comme si un géant en proie à la colère la secouait. Un frisson d'appréhension me saisit, plongeant mon esprit dans une atmosphère d'incertitude et de panique.

Les secousses, bien que familières aux habitants de ces terres, revêtent cette fois-ci une intensité sinistre, une énergie sourde et menaçante. Les objets tremblent sur leurs étagères, les tableaux vacillent sur les murs, et même mon esprit immortel est envahi par une inquiétude grandissante.

Dans l'obscurité de ma chambre, la lueur tamisée, orchestrée par l'ingéniosité de l'automate de ma demeure sophistiquée, accentue l'atmosphère lugubre qui règne, faisant écho à l'agitation de mon esprit tourmenté. Je sens mon cœur battre la chamade, une sensation étrange pour un être immortel, mais néanmoins présente, palpable, comme un rappel brutal de ma propre mortalité perdue.

Je tente de calmer les battements frénétiques de mon cœur, de rationaliser la peur qui menace de m'engloutir. Après tout, ne suis-je pas un être immortel, témoin des vicissitudes du temps et des tourments du monde ? Malgré cette assurance, une anxiété persistante s'insinue dans les replis de mon esprit.

Une pensée s'impose à moi, claire et impérieuse : il est temps. Temps de reprendre le chemin de la mission, de renouer avec le passé et de faire face à l'avenir avec courage et détermination. Et pour cela, je dois me tourner vers mon fidèle ami, Aulus.

Avec une détermination renouvelée, je m'approche de ma tablette, prêt à mettre mes pensées en mots et à solliciter l'aide précieuse de mon compagnon d'armes. Car dans les tumultes à venir, nous aurons besoin l'un de l'autre plus que jamais.

Cependant, une pensée glaciale m'envahit alors que je me prépare à écrire à Aulus. Je sais que mon ami tremblera à l'idée que, une fois de plus, notre mission pourrait s'avérer périlleuse. Mais dans les ténèbres de l'incertitude, je sens que l'équilibre entre les forces du bien et du mal est nécessaire, vital même. Et, malgré nos craintes, j'espère que, d'une manière ou d'une autre, Jupiter saura nous envoyer le signal nécessaire pour nous guider sur la voie de la lumière.

C'était dans les flammes rugissantes de la grande éruption en l'an 79 que le signal avait été donné pour la première fois, nous sauvant, Aulus et moi, d'une mort certaine. Nous avions échappé de justesse aux griffes de la destruction, mais c'était là que notre destin avait pris une tournure inattendue. Nos vies avaient été préservées, mais pas seulement. Nous avions été accordés d'un don bien plus grand : la vie éternelle.

Dans cette épreuve cataclysmique, nous avions reçu le sceau de l'immortalité, une destinée que nous n'avions jamais envisagée auparavant. Et pourtant, malgré les siècles écoulés depuis lors, le souvenir de cette nuit terrible demeurait gravé dans nos esprits, un rappel constant de la fragilité de notre existence et de la gratitude que nous devions à Jupiter pour cette seconde chance.

La mission était à nouveau sur le point de connaître une étape importante, une étape où le prix à payer serait peut-être plus lourd que jamais. Mais nous savions, Aulus et moi, que c'était là le fardeau de notre immortalité, le devoir qui nous avait été confié par les dieux eux-mêmes.

Depuis cette nuit mémorable dans les entrailles enflammées du Vésuve, nous avions été liés par un dessein supérieur, une mission qui transcenderait le temps et les épreuves. Les dieux nous avaient confiés une tâche sacrée, une charge que nous porterions jusqu'à la fin des temps, si nécessaire. Et alors que je m'apprête à écrire à mon ami, cette conviction brûle en moi avec une intensité renouvelée, prête à affronter les défis à venir, quel qu'en soit le prix.

Il est temps de cesser de tergiverser, de laisser derrière moi mes doutes et mes craintes. Avec une détermination nouvelle, j'attrape la tablette, prêt à mettre en mots les tourments qui agitent mon esprit et à solliciter l'aide précieuse de mon compagnon d'armes. Car dans les tumultes à venir, nous aurons besoin l'un de l'autre plus que jamais. Et ainsi, d'une main ferme mais empreinte d'une certaine urgence, je commence à écrire à Aulus.

« Cher Aulus,

Je t'écris dans l'urgence, troublé par des événements récents qui ont secoué non seulement la terre sous mes pieds, mais aussi les fondations de ma quiétude habituelle. Alors que je me prélassais dans ma villa, une secousse soudaine a ébranlé les murs de mon domaine, m'arrachant à ma tranquillité bien méritée.

Tu sais combien j'apprécie la paix que m'offre cette demeure, un mélange harmonieux d'antiquité et de modernité où je trouve refuge loin des tumultes du monde extérieur. Mais cette fois, l'agitation de la terre m'a frappé de plein fouet, éveillant en moi une inquiétude profonde.

La secousse elle-même n'était pas inhabituelle, bien sûr. Après tout, ma villa est perchée aux pieds du mont Vésuve, un voisin parfois agité. Mais cette fois, quelque chose était différent. Une étrangeté dans l'air, une perturbation dans les tréfonds de la terre que même mes sens immortels ne pouvaient ignorer.

Je me suis levé, les pensées en ébullition, et me suis dirigé vers la console de surveillance sismique qui trône discrètement dans ma chambre. Les données qui défilaient à l'écran étaient troublantes, défiant les schémas établis que j'avais appris à connaître au fil des siècles.

Aulus, je te confie ces mots dans l'espoir que tu sauras comprendre mon trouble. J'ai longtemps appris à écouter les murmures du monde, à lire les signes dans les replis de l'histoire. Et ce que j'ai ressenti ce soir m'inquiète au plus haut point.

Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve, mais je voulais te mettre en garde. Reste vigilant, mon ami. Les temps à venir pourraient être tumultueux, et nous devons être prêts à affronter les défis qui se dressent sur notre chemin.

Je te souhaite sécurité et sérénité, cher ami. Que les dieux veillent sur nous tous dans ces moments incertains.

Di nobis aeternitatem vitae pro humanitatis gloria donarunt (1).

Avec toute mon amitié,

Julius »

La rédaction de ma lettre à Aulus achevée, je retourne vers les écrans, mon esprit encore empreint d'une anxiété persistante. Les graphiques et les chiffres défilent devant mes yeux, révélant un tableau troublant de l'activité sismique récente.

L'épicentre du tremblement de terre, d'ordinaire si nettement défini, semble maintenant énigmatique, comme si la terre elle-même refuse de révéler ses secrets. Les secousses sont irrégulières, leurs ondes s'étendant dans des directions contradictoires, comme si le tremblement de terre avait été provoqué à plusieurs reprises, avec une intention malveillante. Les ordinateurs de l'observatoire peinent à fournir une précision sur l'épicentre, enregistrant plusieurs points d'impact dispersés autour du Vésuve. C'est comme si la nature elle-même avait été corrompue, ses rythmes harmonieux perturbés par une force obscure et insidieuse. Ma perplexité grandit à mesure que je scrute les données.

Quelque chose de sinistre se trame sous la surface, quelque chose qui défie les lois naturelles et menace l'équilibre fragile de la région. 

Et tandis que je continue d'analyser les informations devant moi, une certitude s'impose à mon esprit aguerri : une menace plane sur les terres napolitaines, et je dois agir rapidement pour découvrir sa nature et la contrer avant qu'il ne soit trop tard.

Dans l’espoir qu’Aulus prenne rapidement connaissance de ma lettre, j'espère que notre partenariat indéfectible se révélera une fois de plus notre meilleur atout. Ensemble, nous pourrons décrypter les mystères qui entourent ces secousses sismiques inhabituelles et, armés de notre détermination commune, nous pourrons nous préparer à affronter les défis à venir. Car je sais que, lorsque nos forces seront réunies, aucun obstacle ne sera insurmontable, et aucun danger ne pourra entraver notre quête pour préserver la sécurité et le bien-être de ceux qui résident dans les environs du Vésuve.

Je décide de retourner à ma passion première, les jeux du cirque, dans l'espoir de changer d'air et de retrouver une certaine sérénité dans l'animation des préparatifs. Bien que les jeux mondiaux des gladiateurs ne débutent que dans un mois, l'effervescence et les préparatifs sont déjà palpables dans les rues de Naples. Les marchands installent leurs étals, les artistes de rue répètent leurs performances et la foule commence à affluer, avide de participer à cette célébration grandiose. C'est un avant-goût de l'animation incomparable qui envahira la ville pendant les jeux, et je ne veux en aucun cas manquer l'occasion d'y participer dès maintenant.

Je décide donc de prendre connaissance du programme de la cérémonie d'ouverture des jeux mondiaux des gladiateurs, où j'ai été convié en tant que gladiateur célèbre. C'est un honneur que j'accepte avec gratitude, sachant que cela implique également de donner le coup d'envoi de ces jeux tant attendus. Alors que je parcours attentivement les détails du programme, je m'immerge déjà dans l'atmosphère électrique de l'événement à venir, imaginant la foule en liesse et la solennité de l'instant où je me retrouverai au cœur de l'arène, prêt à insuffler l'élan initial à cette compétition grandiose.

Tandis que je me plonge dans les pages du programme, anticipant chaque moment de l'inauguration des jeux, une pensée persistante pour mon ami me trouble. L'envie de le revoir m'étreint, et des sentiments enfouis remontent à la surface, déjà en train de tourmenter mon esprit.

Pourtant, même au milieu de cette excitation, je suis conscient que mes sentiments personnels ne doivent en aucun cas nuire à notre mission sacrée. Décevoir les dieux, en particulier Apollon, serait impardonnable. Ainsi, tandis que je me prépare mentalement à cet événement spectaculaire, je garde à l'esprit l'importance de rester concentré sur notre objectif ultime. Les destinées de tant de vies sont entre nos mains, et nous ne pouvons nous permettre aucune distraction qui risquerait de les compromettre.

Ainsi, tel sera notre devoir, notre engagement envers les dieux et envers l'humanité. Fidelitas ad deos, fidelitas ad hominem (2).


(1) C'est par la gloire de l'humanité que les dieux nous ont accordé l'éternité de la vie.
(2)  Fidélité envers les dieux, fidélité envers l'homme.

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